Par la rue, par la grève, censurons ce gouvernement

Celles et ceux qui avaient senti une bouffée d’air à la vue de la chemise arrachée des DRH d’Air France, qui avaient été réceptifs à l’appel des Goodyear à se retrouver tous ensemble, le même jour, à la même heure et pour la même cause, celles et ceux encore qui depuis des années se bagarrent dans des centaines de boîtes du privé pour des augmentations de salaires ou des embauches ont trouvé dans le rejet de la loi travail le catalyseur du ras-le-bol.

Celui-ci grandit depuis des années, mais était enfoui car bien trop dispersé pour unir tout notre camp social. Depuis deux mois et demi, la détermination de la jeunesse a permis de révéler une colère ressentie bien au-delà des facs et des lycées, ce qui a redonné confiance au monde du travail.

De journée en journée...

Depuis plusieurs semaines, les travailleurEs sont trimbalés de journée en journée sans qu’à aucun moment l’intersyndicale nationale n’appelle enfin à s’engager de manière prolongée dans le bras de fer avec le gouvernement pour le retrait de la loi El Khomri, c’est-à-dire en appelant à la grève reconductible avec comme perspective la grève générale, le blocage total de l’économie. Pourtant, si l’on mettait bout à bout les journées du 31 mars, du 28 avril et des 3 et 12 mai, les « temps forts » des directions syndicales, il est évident que le climat social et politique serait monté en température dans l’affrontement avec Hollande, Valls et leurs amis du Medef...

Jusqu’à présent, aucun secteur significatif n’est sorti du lot et n’a donné le signal de départ du durcissement de la lutte. La grève reconductible n’a pas franchi de cap dans la jeunesse et partout, les salariéEs mobilisés le sont de manière minoritaire. Mais pourtant ça dure, et l’on pourrait même dire que le mouvement s’ancre : l’annonce du 49-3 a fait monter d’un cran la ténacité des salariéEs et des jeunes mobilisés. Il n’y aura vraiment que le rapport de forces que nous saurons construire sur nos lieux de travail, par la grève et en manifestant, qui fera plier ceux qui, dans les salons, à l’Élysée comme à Matignon, n’ont qu’un seul objectif : nous faire courber l’échine au moment où nous relevons enfin la tête.

Et nous le disons tout net, malgré le dégoût et la colère que nous inspirent, manif après manif, les déploiements de forces de l’ordre, les gardes à vue, les violences policières, les convocations de lycéens à la sûreté territoriale, ça ne nous empêchera certainement pas de manifester. Plus encore, aux propos du ministre de l’Intérieur Cazeneuve ce week-end, qui rend hommage à tous les CRS, gendarmes, aux flics de la BAC, bref, à tous ceux qui effectivement sont utilisés à faire régner l’ordre social et moral et dont la provocation va jusqu’à interdire à certaines personnes de participer aux manifs de la semaine ou aux Nuits debout, nous répondons qu’il n’en est pas question ! C’est à la police de dégager de nos cortèges, pas aux manifestantEs !

C’est le moment d’y aller touTEs ensemble !

Des liens tissés entre les postierEs, les cheminotEs, les enseignantEs, les « nuit-deboutistes », en actions de solidarité avec les réfugiéEs, en passant par les occupations de théâtres avec les intermittentEs et les envahissements de gare, les distributions communes de tracts aux portes des entreprises, voilà ce qui depuis deux mois rythme la mobilisation entre deux manifestations, entre les journées de grève... Mais nous le savons bien, ce qui nous permettra de dégager cette loi et de porter un premier gros coup à ce gouvernement au service du capital, c’est quand nous bloquerons leur pompe à fric, de manière prolongée, touTEs ensemble.

Or, cette semaine peut être un moment charnière. Après des semaines de report de lancement de la grève reconductible à la SNCF et une politique de grand guignol de la CGT et aussi en partie de Sud Rail, il existe désormais dans ce secteur un appel à la grève illimitée à partir de ce 17 mai par Sud Rail. Autrement dit, nous pouvons dans les jours qui viennent avoir une bascule, avec un secteur déterminant pour la bourgeoisie qui décide de durcir le ton et d’entraîner des fractions d’autres secteurs salariés.

La possibilité que la mobilisation franchisse un cap cette semaine doit redonner confiance et espoir à toutes celles et ceux qui depuis des semaines se mobilisent, subissent une répression et une violence policière féroce.

Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir mener des luttes sectorielles depuis 2012, pour nos conditions de travail, pour nos salaires, pour des embauches ou des créations de postes. Aujourd’hui, nous avons cette opportunité de pouvoir non seulement gagner contre une énième loi anti-­ouvrière qu’est la loi travail mais aussi, par le climat créé depuis des semaines, de revendiquer et de gagner pour nos propres secteurs.

Le combat est loin d’être fini : de passage au Sénat en relecture devant l’Assemblée, nous n’avons pas encore fini de voir les gesticulations des parlementaires. Mais quoi qu’il en soit de leur agenda, dès cette semaine, pour nous la priorité, c’est de discuter dans chacun de nos secteurs de la nécessité de se mettre en grève, toutes et tous ensemble !

Denise Sarraute
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 337 (19/05/16)

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